Quand on parle du pouvoir, on évoque généralement par ce mot, une puissance, une force qui sert, dans notre monde tel qu'il est, à dominer les autres, c'est-à-dire ceux qui sont à l'extérieur de nous, évitant ainsi que ce soit eux qui nous dominent. Quand on dit de quelqu'un qu'il est un homme ou une femme de pouvoir, c'est qu'on estime que cette personne exerce sa domination sur les autres. On éprouve de l'admiration et/ou de la crainte à l'égard de ces personnes-là.
Mais qu'advient-il de ce prétendu pouvoir dès lors que les personnes en face ne se laissent plus dominer ? On se rend compte qu'il n'en reste qu'une illusion du mental et pour la personne qui l'exerçait jusqu'alors, frustration et colère.
C'est d'un autre pouvoir que je veux parler.
Je veux parler d'une puissance intérieure qui n'a pas besoin de «victime », qui n'a pas besoin de reconnaissance. Cette puissance intérieure, libre, autonome, ne laisse la place à aucun jugement ni auto- jugement. Cette force naît d'une maturité de l'esprit. Elle prend sa source dans le contact avec ce que nous avons de plus précieux en tant qu'êtres incarnés : notre corps.
Cette alliance avec le corps exige de notre part un travail intérieur afin de ne pas tomber systématiquement dans les nombreux pièges du mental : peur de l'autre, peur de perdre, désir de dominer, désir d'être aimé, etc.
Ce désir d'être aimée à tout prix est un véritable fléau qui, depuis des millénaires dans nos sociétés, avec l'aide des religions et des dogmes, maintient la femme dans un état de léthargie, d'esclavage, de prostitution et de silence, complice d'un masculin qui la piétine et qui, par-dessus le marché, lui laisse croire depuis quelques décennies qu'elle est en train de se libérer.
Recréer cette puissance est un véritable défi pour l'esprit de celle qui décide de devenir une femme. C'est une quête qui demande courage et détermination, dans notre société telle qu'elle est. En effet, elle pourrait se demander pourquoi abandonner un certain confort, laisser ses souffrances, si familières, pour aller vers un inconnu qui ne lui promet ni mariage heureux, ni paradis, ni même de sauver le monde.
Elle peut le faire pour tenter une autre route, celle d'un autre bonheur, celui de se sentir vivante.
Il ne s'agit pas de se retirer de l'existence, de quitter l'homme ou de tourner le dos à la société ; il s'agit, pour celle qui décide de sauter le pas, de créer une place à l'intérieur de son corps, une place pour un silence aimant, un lieu sacré et intouchable, un lieu où la confiance dans la vie règne. Cela j'ai appris à le faire. Depuis ce lieu, des informations, des réponses à des questions peuvent arriver et des décisions peuvent être prises. Et ces décisions ne sont pas négociables parce qu'elles sont empreintes de justesse.
C'est cela que la femme de pouvoir peut faire. Cette femme-là est libre d'être qui elle veut être parce qu'elle s'accouche elle-même. Elle n'a de compte à rendre à personne dans le domaine intérieur, elle ne permet pas la familiarité à son égard, elle ne cherche pas à plaire, à être gentille, elle n'est pas bonne : elle est. Elle peut être aussi implacable qu'elle peut être aimante. Son oui est un vrai oui, son non est un vrai non.
Claire Nadaud
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